Géographie de la Bretagne/L'énergie en Bretagne
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= L'énergie en Bretagne : du refus du nucléaire au déblocage de l'éolien = | = L'énergie en Bretagne : du refus du nucléaire au déblocage de l'éolien = | ||
Dans les pays dĂ©veloppĂ©s les combustibles fossiles (pĂ©trole, charbon, gaz naturel), souvent importĂ©s en masse, demeurent les principales sources dâĂ©nergie. La Bretagne ne fait pas exception comme lâindique lâimportance des importations dâhydrocarbures dans les ports de la pĂ©ninsule. Une dĂ©pendance aussi prononcĂ©e ne suscite guĂšre de controverses tant la population la vit comme une fatalitĂ©. Chaque montĂ©e des prix des carburants engendre des protestations (pĂȘcheurs, routiers) et incite Ă lâisolation des logements ou lâutilisation du bois de chauffage. Cependant de profonds changements se profilent Ă lâhorizon et dĂ©jĂ le bilan Ă©nergĂ©tique rĂ©gional commence Ă se modifier. | Dans les pays dĂ©veloppĂ©s les combustibles fossiles (pĂ©trole, charbon, gaz naturel), souvent importĂ©s en masse, demeurent les principales sources dâĂ©nergie. La Bretagne ne fait pas exception comme lâindique lâimportance des importations dâhydrocarbures dans les ports de la pĂ©ninsule. Une dĂ©pendance aussi prononcĂ©e ne suscite guĂšre de controverses tant la population la vit comme une fatalitĂ©. Chaque montĂ©e des prix des carburants engendre des protestations (pĂȘcheurs, routiers) et incite Ă lâisolation des logements ou lâutilisation du bois de chauffage. Cependant de profonds changements se profilent Ă lâhorizon et dĂ©jĂ le bilan Ă©nergĂ©tique rĂ©gional commence Ă se modifier. | ||
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== Le recours aux centrales nuclĂ©aires : une retombĂ©e dâune politique nationale == | == Le recours aux centrales nuclĂ©aires : une retombĂ©e dâune politique nationale == | ||
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Câest dans le domaine de la production Ă©lectrique que la position de la Bretagne est singuliĂšre car elle combine une forte allergie aux centrales nuclĂ©aires et une grande lenteur Ă sâengager sur les Ă©nergies renouvelables, ce qui entraĂźne une dĂ©pendance des centrales nuclĂ©aires des rĂ©gions voisines. La rĂ©gion Bretagne ne produit que 8% de sa consommation Ă©lectrique, mais 38% dans le cadre de la Bretagne entiĂšre grĂące Ă la centrale thermique de Cordemais. Lâessentiel du courant est fourni par les centrales nuclĂ©aires de Flamanville et Chinon et pour faire face aux pics quotidiens (trĂšs Ă©levĂ©s par temps froid ) la centrale de Cordemais est poussĂ©e Ă fond. | Câest dans le domaine de la production Ă©lectrique que la position de la Bretagne est singuliĂšre car elle combine une forte allergie aux centrales nuclĂ©aires et une grande lenteur Ă sâengager sur les Ă©nergies renouvelables, ce qui entraĂźne une dĂ©pendance des centrales nuclĂ©aires des rĂ©gions voisines. La rĂ©gion Bretagne ne produit que 8% de sa consommation Ă©lectrique, mais 38% dans le cadre de la Bretagne entiĂšre grĂące Ă la centrale thermique de Cordemais. Lâessentiel du courant est fourni par les centrales nuclĂ©aires de Flamanville et Chinon et pour faire face aux pics quotidiens (trĂšs Ă©levĂ©s par temps froid ) la centrale de Cordemais est poussĂ©e Ă fond. | ||
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La responsabilitĂ© de lâEtat est engagĂ©e dans le maintien de la dĂ©pendance Ă©nergĂ©tique rĂ©gionale. Certes il est contraint par les marchĂ©s mondiaux des combustibles fossiles et depuis la ConfĂ©rence de Kyoto (1997) par les accords internationaux sur la rĂ©duction des Ă©missions de gaz Ă effet de serre. Mais il maĂźtrise le prix de vente de lâĂ©lectricitĂ© car il contrĂŽle lâentreprise publique EDF qui, avec ses centrales et ses barrages, a jusquâĂ rĂ©cemment disposĂ© dâun quasi monopole de la production et dâun monopole du transport et du courant. | La responsabilitĂ© de lâEtat est engagĂ©e dans le maintien de la dĂ©pendance Ă©nergĂ©tique rĂ©gionale. Certes il est contraint par les marchĂ©s mondiaux des combustibles fossiles et depuis la ConfĂ©rence de Kyoto (1997) par les accords internationaux sur la rĂ©duction des Ă©missions de gaz Ă effet de serre. Mais il maĂźtrise le prix de vente de lâĂ©lectricitĂ© car il contrĂŽle lâentreprise publique EDF qui, avec ses centrales et ses barrages, a jusquâĂ rĂ©cemment disposĂ© dâun quasi monopole de la production et dâun monopole du transport et du courant. | ||
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Câest une dĂ©cision Ă©tatique (Plan Messmer 1974) qui a lancĂ© un programme de construction de centrales nuclĂ©aires. Son surdimensionnement a conduit EDF Ă Ă©largir la demande par exemple en favorisant lâusage de lâĂ©lectricitĂ© pour chauffer les logements neufs, ce qui aggrave les pics de consommation, et en bloquant la concurrence des Ă©nergies renouvelables par un prix dâachat trop bas de lâĂ©lectricitĂ© produite. | Câest une dĂ©cision Ă©tatique (Plan Messmer 1974) qui a lancĂ© un programme de construction de centrales nuclĂ©aires. Son surdimensionnement a conduit EDF Ă Ă©largir la demande par exemple en favorisant lâusage de lâĂ©lectricitĂ© pour chauffer les logements neufs, ce qui aggrave les pics de consommation, et en bloquant la concurrence des Ă©nergies renouvelables par un prix dâachat trop bas de lâĂ©lectricitĂ© produite. | ||
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== Energie éolienne : démarrage difficile avant un réel essor == | == Energie éolienne : démarrage difficile avant un réel essor == | ||
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'''Le blocage de la filiÚre éolienne en France''' | '''Le blocage de la filiÚre éolienne en France''' | ||
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â | + | ''Avel Penn ar Bed / EWEA'' | |
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Le tableau met en Ă©vidence les grandes disparitĂ©s entre pays europĂ©ens dans les investissements Ă©oliens et aussi dans les rythmes de croissance. En 2001 la puissance installĂ©e en Allemagne est plus de 100 fois supĂ©rieure Ă celle de la France qui pourtant dispose du gisement dâĂ©nergie Ă©olienne le plus considĂ©rable en Europe aprĂšs le Royaume Uni. Comme la Bretagne est la seconde rĂ©gion française pour le potentiel Ă©olien, le blocage de la filiĂšre lâa donc particuliĂšrement affectĂ©e et privĂ©e des nombreux emplois liĂ©s Ă la fabrication des Ă©oliennes, Ă leur maintenance et Ă leur exportation. | Le tableau met en Ă©vidence les grandes disparitĂ©s entre pays europĂ©ens dans les investissements Ă©oliens et aussi dans les rythmes de croissance. En 2001 la puissance installĂ©e en Allemagne est plus de 100 fois supĂ©rieure Ă celle de la France qui pourtant dispose du gisement dâĂ©nergie Ă©olienne le plus considĂ©rable en Europe aprĂšs le Royaume Uni. Comme la Bretagne est la seconde rĂ©gion française pour le potentiel Ă©olien, le blocage de la filiĂšre lâa donc particuliĂšrement affectĂ©e et privĂ©e des nombreux emplois liĂ©s Ă la fabrication des Ă©oliennes, Ă leur maintenance et Ă leur exportation. | ||
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Dans le cadre du plan « Eole 2005 » lancĂ© en 1997 par le ministĂšre de lâIndustrie, deux parcs Ă©oliens sont créés en 1999, lâun Ă Plouarzel, lâautre Ă Goulien, les deux dans le FinistĂšre qui a conservĂ© son avance depuis. Logique : une association dynamique « Avel Penn ar Bed » y a sensibilisĂ© les Ă©lus. En 2005 la puissance installĂ©e nâatteint encore que 140 MW en rĂ©gion Bretagne. En Loire-Atlantique le parc Ă©olien de Soudan-Erbray ne dĂ©marre quâen 2006. | Dans le cadre du plan « Eole 2005 » lancĂ© en 1997 par le ministĂšre de lâIndustrie, deux parcs Ă©oliens sont créés en 1999, lâun Ă Plouarzel, lâautre Ă Goulien, les deux dans le FinistĂšre qui a conservĂ© son avance depuis. Logique : une association dynamique « Avel Penn ar Bed » y a sensibilisĂ© les Ă©lus. En 2005 la puissance installĂ©e nâatteint encore que 140 MW en rĂ©gion Bretagne. En Loire-Atlantique le parc Ă©olien de Soudan-Erbray ne dĂ©marre quâen 2006. | ||
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La « Loi dâorientation sur lâEnergie » de juin 2005 prĂ©voit la relance du nuclĂ©aire (une centrale EPR Ă Flamanville) mais aussi le dĂ©veloppement des Ă©nergies renouvelables. La rĂ©gion Bretagne lance alors un plan visant une puissance Ă©olienne de 1000 MW en 2010, soit lâĂ©quivalent dâune tranche de centrale nuclĂ©aire. | La « Loi dâorientation sur lâEnergie » de juin 2005 prĂ©voit la relance du nuclĂ©aire (une centrale EPR Ă Flamanville) mais aussi le dĂ©veloppement des Ă©nergies renouvelables. La rĂ©gion Bretagne lance alors un plan visant une puissance Ă©olienne de 1000 MW en 2010, soit lâĂ©quivalent dâune tranche de centrale nuclĂ©aire. | ||
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En 2010 la rĂ©gion « Bretagne » sâassocie avec lâEtat et RTE (RĂ©seau de transport Ă©lectrique) dans un « Pacte Ă©lectrique breton » pour porter Ă 3600 MW en 2020 la puissance des gĂ©nĂ©rateurs dâĂ©lectricitĂ© de sources renouvelables. Cela suppose un dĂ©veloppement considĂ©rable de lâĂ©olien terrestre, du photovoltaĂŻque et des hydroliennes (actuellement au stade expĂ©rimental) pour atteindre une puissance de 2350 MW qui sâajouterait aux 1250 MW des Ă©oliennes maritimes. | En 2010 la rĂ©gion « Bretagne » sâassocie avec lâEtat et RTE (RĂ©seau de transport Ă©lectrique) dans un « Pacte Ă©lectrique breton » pour porter Ă 3600 MW en 2020 la puissance des gĂ©nĂ©rateurs dâĂ©lectricitĂ© de sources renouvelables. Cela suppose un dĂ©veloppement considĂ©rable de lâĂ©olien terrestre, du photovoltaĂŻque et des hydroliennes (actuellement au stade expĂ©rimental) pour atteindre une puissance de 2350 MW qui sâajouterait aux 1250 MW des Ă©oliennes maritimes. | ||
[[Fichier:Geo_LeRhun_Potentiel_eolien.jpg|500px|thumb|left|Carte du potentiel des énergies éoliennes en France métropolitaine et Corse]] | [[Fichier:Geo_LeRhun_Potentiel_eolien.jpg|500px|thumb|left|Carte du potentiel des énergies éoliennes en France métropolitaine et Corse]] | ||
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Un pareil essor de lâĂ©olien terrestre pose problĂšme dans un territoire oĂč lâhabitat relativement dense et dispersĂ© Ă lâĂ©chelle communale ne favorise pas lâimplantation dâĂ©oliennes de plus en plus grandes. Dans le cas oĂč elles rĂ©sultent dâune initiative collective locale pour leur construction et financement, avec lâacceptation par la population de lâimpact sur le paysage des « Ă©oliennes citoyennes » câest une dĂ©marche de dĂ©veloppement local et de plus rĂ©versible en cas de besoin puisquâune Ă©olienne se dĂ©monte facilement. Mais sâil sâagit dâinvestissement par des groupes financiers (Louis-Dreyfus dans la forĂȘt de LanouĂ©e dans le Morbihan), câest une exploitation du territoire qui fait fi dâune politique de prĂ©servation du patrimoine paysager. | Un pareil essor de lâĂ©olien terrestre pose problĂšme dans un territoire oĂč lâhabitat relativement dense et dispersĂ© Ă lâĂ©chelle communale ne favorise pas lâimplantation dâĂ©oliennes de plus en plus grandes. Dans le cas oĂč elles rĂ©sultent dâune initiative collective locale pour leur construction et financement, avec lâacceptation par la population de lâimpact sur le paysage des « Ă©oliennes citoyennes » câest une dĂ©marche de dĂ©veloppement local et de plus rĂ©versible en cas de besoin puisquâune Ă©olienne se dĂ©monte facilement. Mais sâil sâagit dâinvestissement par des groupes financiers (Louis-Dreyfus dans la forĂȘt de LanouĂ©e dans le Morbihan), câest une exploitation du territoire qui fait fi dâune politique de prĂ©servation du patrimoine paysager. | ||
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== Le renfort en fanfare de lâĂ©olien maritime == | == Le renfort en fanfare de lâĂ©olien maritime == | ||
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Sur le plan mondial la croissance de lâĂ©nergie Ă©olienne est trĂšs forte : en 2009 la puissance installĂ©e atteint 120,7 GW (1 GW = 1000 MW) en progression de 31% sur 2008. Dans lâUnion EuropĂ©enne elle sâĂ©lĂšve de 15% par an pour la pĂ©riode 1995- 2011 et le nombre dâemplois créés, estimĂ© en 2009 Ă 150 000, devrait doubler dâici 2020. Or en 2011 la puissance installĂ©e en France Ă©tait de 6,8 GW et de 29 en Allemagne. Il est Ă©vident que, dans un contexte de crise, une telle quasi absence dans un crĂ©neau porteur nâĂ©tait plus tenable, dâautant moins que le Grenelle de lâEnvironnement (2007) projetait une puissance en mer (Ă©oliennes et hydroliennes) de 6 GW pour 2020. | Sur le plan mondial la croissance de lâĂ©nergie Ă©olienne est trĂšs forte : en 2009 la puissance installĂ©e atteint 120,7 GW (1 GW = 1000 MW) en progression de 31% sur 2008. Dans lâUnion EuropĂ©enne elle sâĂ©lĂšve de 15% par an pour la pĂ©riode 1995- 2011 et le nombre dâemplois créés, estimĂ© en 2009 Ă 150 000, devrait doubler dâici 2020. Or en 2011 la puissance installĂ©e en France Ă©tait de 6,8 GW et de 29 en Allemagne. Il est Ă©vident que, dans un contexte de crise, une telle quasi absence dans un crĂ©neau porteur nâĂ©tait plus tenable, dâautant moins que le Grenelle de lâEnvironnement (2007) projetait une puissance en mer (Ă©oliennes et hydroliennes) de 6 GW pour 2020. | ||
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En 2010 lâEtat dĂ©cide dâimplanter des parcs Ă©oliens off-shore Ă©quipĂ©s dâĂ©oliennes de 5 MW alors que leur puissance Ă terre ne dĂ©passait pas 2 MW. Les projets doivent ĂȘtre menĂ©s Ă terme de 2015 Ă 2020. La Bretagne serait dotĂ©e de 1250 MW de puissance installĂ©e rĂ©partie sur deux parcs : | En 2010 lâEtat dĂ©cide dâimplanter des parcs Ă©oliens off-shore Ă©quipĂ©s dâĂ©oliennes de 5 MW alors que leur puissance Ă terre ne dĂ©passait pas 2 MW. Les projets doivent ĂȘtre menĂ©s Ă terme de 2015 Ă 2020. La Bretagne serait dotĂ©e de 1250 MW de puissance installĂ©e rĂ©partie sur deux parcs : | ||
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Baie de Saint-Brieuc : 100 éoliennes, puissance totale 500 MW, surface 180 km2 | Baie de Saint-Brieuc : 100 éoliennes, puissance totale 500 MW, surface 180 km2 | ||
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Ouest de Guérande : 150 éoliennes, puissance totale 750 MW, surface 78 km2 | Ouest de Guérande : 150 éoliennes, puissance totale 750 MW, surface 78 km2 | ||
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Le groupe EMF (actionnaires principaux : EDF et le Danois Dong Energy Power) y installera les Ă©oliennes dâAlstom de 6 MW (record mondial) et en Normandie il Ă©quipera les sites de Courseulles-sur-mer et de FĂ©camp. La sociĂ©tĂ© Ailes Marines qui rĂ©unit Iberdrola (Espagne) et Eole-RES (GB) implantera sur le site de Saint-Brieuc les Ă©oliennes dâAREVA (en partenariat avec Technip et STX, le chantier naval de Saint-Nazaire). | Le groupe EMF (actionnaires principaux : EDF et le Danois Dong Energy Power) y installera les Ă©oliennes dâAlstom de 6 MW (record mondial) et en Normandie il Ă©quipera les sites de Courseulles-sur-mer et de FĂ©camp. La sociĂ©tĂ© Ailes Marines qui rĂ©unit Iberdrola (Espagne) et Eole-RES (GB) implantera sur le site de Saint-Brieuc les Ă©oliennes dâAREVA (en partenariat avec Technip et STX, le chantier naval de Saint-Nazaire). | ||
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== Quelles retombées en Bretagne ? == | == Quelles retombées en Bretagne ? == | ||
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A Saint-Nazaire Alstom construirait les gĂ©nĂ©rateurs et les nacelles et STX les fondations et les bateaux de pose. NĂ©opolia (groupement dâentreprises de la Basse-Loire) espĂšre construire les navires de maintenance mais les pales et le mĂąt seraient fabriquĂ©s Ă Cherbourg. Brest nâobtiendrait que le montage terminal. Pour le parc de GuĂ©rande, La Turballe serait le port de maintenance. | A Saint-Nazaire Alstom construirait les gĂ©nĂ©rateurs et les nacelles et STX les fondations et les bateaux de pose. NĂ©opolia (groupement dâentreprises de la Basse-Loire) espĂšre construire les navires de maintenance mais les pales et le mĂąt seraient fabriquĂ©s Ă Cherbourg. Brest nâobtiendrait que le montage terminal. Pour le parc de GuĂ©rande, La Turballe serait le port de maintenance. | ||
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Du cĂŽtĂ© de Saint-Brieuc, seulement un port de maintenance sur la baie. La Bretagne occidentale serait-elle donc dĂ©laissĂ©e au profit de Saint-Nazaire et des ports normands, avec rien pour Lorient et bien peu pour Brest ? Le second appel dâoffre de janvier 2013 concerne les sites du TrĂ©port et de Noirmoutier et Ă nouveau ignore lâouest de la Bretagne oĂč la nĂ©cessitĂ© dâactivitĂ©s maritimes est si Ă©vident. La crĂ©ation de parcs Ă©oliens de cette taille est pourtant une opportunitĂ© rare de soutenir lâĂ©conomie littorale lĂ oĂč le besoin se fait sentir, Ă Saint-Nazaire bien entendu, mais Ă Brest aussi. | Du cĂŽtĂ© de Saint-Brieuc, seulement un port de maintenance sur la baie. La Bretagne occidentale serait-elle donc dĂ©laissĂ©e au profit de Saint-Nazaire et des ports normands, avec rien pour Lorient et bien peu pour Brest ? Le second appel dâoffre de janvier 2013 concerne les sites du TrĂ©port et de Noirmoutier et Ă nouveau ignore lâouest de la Bretagne oĂč la nĂ©cessitĂ© dâactivitĂ©s maritimes est si Ă©vident. La crĂ©ation de parcs Ă©oliens de cette taille est pourtant une opportunitĂ© rare de soutenir lâĂ©conomie littorale lĂ oĂč le besoin se fait sentir, Ă Saint-Nazaire bien entendu, mais Ă Brest aussi. | ||
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== La filiĂšre photovoltaĂŻque victime dâun fauchage dĂ©vastateur == | == La filiĂšre photovoltaĂŻque victime dâun fauchage dĂ©vastateur == | ||
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Au plan mondial la production dâĂ©lectricitĂ© photovoltaĂŻque, qui dĂ©marre au tout dĂ©but du 21<sup>e</sup> S, connaĂźt un essor fulgurant puisque dĂšs 2009 la puissance installĂ©e atteint 120,7 GW (+ 31% sur 2008 !) dont 35 aux USA, 25 en Allemagne et en Chine, 19 en Espagne. La Chine rĂ©alise 50% de la production mondiale des capteurs en utilisant des machines allemandes. | Au plan mondial la production dâĂ©lectricitĂ© photovoltaĂŻque, qui dĂ©marre au tout dĂ©but du 21<sup>e</sup> S, connaĂźt un essor fulgurant puisque dĂšs 2009 la puissance installĂ©e atteint 120,7 GW (+ 31% sur 2008 !) dont 35 aux USA, 25 en Allemagne et en Chine, 19 en Espagne. La Chine rĂ©alise 50% de la production mondiale des capteurs en utilisant des machines allemandes. | ||
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La Bretagne a Ă©tĂ© particuliĂšrement touchĂ©e par ce coup dâarrĂȘt dans la mesure oĂč elle sâĂ©tait fortement engagĂ©e dans le crĂ©neau du solaire (24% des 25 000 emplois directs en France). Elle comptait 507 entreprises qualifiĂ©es dont la moitiĂ© a disparu et des 6 000 emplois directs, il nâen restait plus que 1500 en 2011, soit une suppression dramatique de 3 emplois sur 4 comme rĂ©sultat du pilotage incohĂ©rent dâune filiĂšre prometteuse. | La Bretagne a Ă©tĂ© particuliĂšrement touchĂ©e par ce coup dâarrĂȘt dans la mesure oĂč elle sâĂ©tait fortement engagĂ©e dans le crĂ©neau du solaire (24% des 25 000 emplois directs en France). Elle comptait 507 entreprises qualifiĂ©es dont la moitiĂ© a disparu et des 6 000 emplois directs, il nâen restait plus que 1500 en 2011, soit une suppression dramatique de 3 emplois sur 4 comme rĂ©sultat du pilotage incohĂ©rent dâune filiĂšre prometteuse. | ||
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Le changement de majoritĂ© politique en 2012 laisse espĂ©rer une relance, dâautant que dâautres produits apparaissent. La sociĂ©tĂ© nantaise Systovi a mis au point un panneau « aĂ©rovoltaĂŻque » qui, en plus de produire de lâĂ©lectricitĂ©, rĂ©cupĂšre la chaleur (60% de lâĂ©nergie solaire) pour chauffer lâhabitation et lui fournir lâeau chaude. Equiper ainsi les toits des maisons Ă chauffage Ă©lectrique permettrait de rĂ©duire leur consommation dâĂ©lectricitĂ©. En tout cas câest une solution alternative de plus. | Le changement de majoritĂ© politique en 2012 laisse espĂ©rer une relance, dâautant que dâautres produits apparaissent. La sociĂ©tĂ© nantaise Systovi a mis au point un panneau « aĂ©rovoltaĂŻque » qui, en plus de produire de lâĂ©lectricitĂ©, rĂ©cupĂšre la chaleur (60% de lâĂ©nergie solaire) pour chauffer lâhabitation et lui fournir lâeau chaude. Equiper ainsi les toits des maisons Ă chauffage Ă©lectrique permettrait de rĂ©duire leur consommation dâĂ©lectricitĂ©. En tout cas câest une solution alternative de plus. | ||
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== La filiĂšre sous-marine dans lâattente du feu vert == | == La filiĂšre sous-marine dans lâattente du feu vert == | ||
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Comme pour lâĂ©olien maritime, lâexploitation des courants de marĂ©e nĂ©cessite des investissements lourds, Ă la portĂ©e de grands groupes industriels, ainsi que lâautorisation de lâEtat pour installer des hydroliennes sur le domaine maritime. A la diffĂ©rence du vent, les courants de marĂ©e Ă la fois rapides et assez larges se localisent sur quelques sites littoraux. En Manche le meilleur est le Raz Blanchard au cap de La Hague et en mer dâIroise le Fromveur entre Ouessant et la cĂŽte et aussi le Raz de Sein. | Comme pour lâĂ©olien maritime, lâexploitation des courants de marĂ©e nĂ©cessite des investissements lourds, Ă la portĂ©e de grands groupes industriels, ainsi que lâautorisation de lâEtat pour installer des hydroliennes sur le domaine maritime. A la diffĂ©rence du vent, les courants de marĂ©e Ă la fois rapides et assez larges se localisent sur quelques sites littoraux. En Manche le meilleur est le Raz Blanchard au cap de La Hague et en mer dâIroise le Fromveur entre Ouessant et la cĂŽte et aussi le Raz de Sein. | ||
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La sociĂ©tĂ© quimpĂ©roise Sabella, qui a conçu une hydrolienne moins coĂ»teuse et dâentretien plus facile, va poser un prototype dans le Fromveur aprĂšs avoir levĂ© des capitaux (dont Suez). Elle ambitionne Ă terme dây installer un parc dâhydroliennes, ce qui signifierait des retombĂ©es industrielles sur Brest. Si le projet rĂ©ussit, cela dĂ©montrerait que les forces Ă©conomiques locales sont capables dâexploiter cette nouvelle source dâĂ©nergie et donc que le recours aux grands groupes industriels nâest pas la seule solution. | La sociĂ©tĂ© quimpĂ©roise Sabella, qui a conçu une hydrolienne moins coĂ»teuse et dâentretien plus facile, va poser un prototype dans le Fromveur aprĂšs avoir levĂ© des capitaux (dont Suez). Elle ambitionne Ă terme dây installer un parc dâhydroliennes, ce qui signifierait des retombĂ©es industrielles sur Brest. Si le projet rĂ©ussit, cela dĂ©montrerait que les forces Ă©conomiques locales sont capables dâexploiter cette nouvelle source dâĂ©nergie et donc que le recours aux grands groupes industriels nâest pas la seule solution. | ||
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== Centrales nucléaires en Bretagne : la fin du feuilleton mais pas la fin du risque == | == Centrales nucléaires en Bretagne : la fin du feuilleton mais pas la fin du risque == | ||
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Lâannulation en 1981 des projets de centrales de Plogoff (Pointe du Raz) et du Pellerin (estuaire de la Loire) par le prĂ©sident F. Mitterrand fut facilement acceptĂ© par EDF qui nâen avait pas rĂ©ellement besoin. Mais les conseils rĂ©gionaux de Bretagne et des Pays de la Loire ne renoncent pas. Le premier nâarriva jamais Ă dĂ©nicher sur le littoral un site favorable et acceptĂ© par la population. Le second choisit Le Carnet, une vasiĂšre remblayĂ©e sur la rive sud de lâestuaire de la Loire qui devint le théùtre de la troisiĂšme grande bataille anti-nuclĂ©aire. La catastrophe de Tchernobyl en 1986 ne suffit pas Ă dissuader la majoritĂ© pro-nuclĂ©aire du conseil rĂ©gional des Pays de la Loire, pas plus que J. Chirac, premier ministre, qui signe en 1988 la dĂ©claration dâutilitĂ© publique. Enfin L. Jospin, premier ministre, annule dĂ©finitivement le projet en 1997. En 2011 se dessine une nouvelle vocation pour Le Carnet qui accueille un centre dâexpĂ©rimentation des prototypes dâĂ©oliennes maritimes : une conversion trĂšs symbolique dâune Ăšre nouvelle dans la production Ă©lectrique rĂ©gionale. | Lâannulation en 1981 des projets de centrales de Plogoff (Pointe du Raz) et du Pellerin (estuaire de la Loire) par le prĂ©sident F. Mitterrand fut facilement acceptĂ© par EDF qui nâen avait pas rĂ©ellement besoin. Mais les conseils rĂ©gionaux de Bretagne et des Pays de la Loire ne renoncent pas. Le premier nâarriva jamais Ă dĂ©nicher sur le littoral un site favorable et acceptĂ© par la population. Le second choisit Le Carnet, une vasiĂšre remblayĂ©e sur la rive sud de lâestuaire de la Loire qui devint le théùtre de la troisiĂšme grande bataille anti-nuclĂ©aire. La catastrophe de Tchernobyl en 1986 ne suffit pas Ă dissuader la majoritĂ© pro-nuclĂ©aire du conseil rĂ©gional des Pays de la Loire, pas plus que J. Chirac, premier ministre, qui signe en 1988 la dĂ©claration dâutilitĂ© publique. Enfin L. Jospin, premier ministre, annule dĂ©finitivement le projet en 1997. En 2011 se dessine une nouvelle vocation pour Le Carnet qui accueille un centre dâexpĂ©rimentation des prototypes dâĂ©oliennes maritimes : une conversion trĂšs symbolique dâune Ăšre nouvelle dans la production Ă©lectrique rĂ©gionale. | ||
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MalgrĂ© tout la Bretagne reste exposĂ©e au risque dâun accident grave sur une centrale nuclĂ©aire relativement proche. Les retombĂ©es radio-actives dĂ©pendent des conditions atmosphĂ©riques, ce qui rend problĂ©matique la dĂ©limitation des zones dâexposition. Cependant plus on sâĂ©loigne du point dâĂ©mission, plus les chances de dilution du nuage augmentent. | MalgrĂ© tout la Bretagne reste exposĂ©e au risque dâun accident grave sur une centrale nuclĂ©aire relativement proche. Les retombĂ©es radio-actives dĂ©pendent des conditions atmosphĂ©riques, ce qui rend problĂ©matique la dĂ©limitation des zones dâexposition. Cependant plus on sâĂ©loigne du point dâĂ©mission, plus les chances de dilution du nuage augmentent. | ||
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''Carte Environnement nucléaire de la Bretagne'' | ''Carte Environnement nucléaire de la Bretagne'' | ||
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â | + | La carte ne tient compte que des 18 centrales fonctionnant dans un rayon de 500 km et formant un chapelet sur la Loire, un autre sur les rivages de la Manche, plus des centrales britanniques peu Ă©loignĂ©es de la pĂ©ninsule armoricaine. Mais le risque majeur se situe au niveau de deux Ă©tablissements proches de la Bretagne et qui manipulent des produits trĂšs dangereux : lâusine de retraitement des combustibles et le centre de stockage des dĂ©chets nuclĂ©aires de La Hague. Par chance les vents dominants soufflent de lâAtlantique. La position gĂ©ographique de la Bretagne lui Ă©vite un encerclement complet par des centrales nuclĂ©aires et par consĂ©quent diminue le risque de pollution radioactive. Toutefois en rade de Brest un accident grave ne peut pas ĂȘtre totalement exclu dans la base des sous-marins nuclĂ©aires.Quant Ă la centrale de Brennillis, le dĂ©mantĂšlement qui devait sâachever en 2020-2025 est bloquĂ© faute de site susceptible de recevoir les dĂ©chets hautement radioactifs. | |
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== Economiser lâĂ©lectricitĂ©, en diversifier les sources⊠et dĂ©centraliser == | == Economiser lâĂ©lectricitĂ©, en diversifier les sources⊠et dĂ©centraliser == | ||
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â | + | La recherche dâune autonomie Ă©lectrique se pose au niveau national car elle garantit la production dâune Ă©nergie indispensable Ă la vie dâune sociĂ©tĂ© moderne. En revanche elle perd de sa pertinence Ă lâĂ©chelle des rĂ©gions car chacune a des besoins diffĂ©rents et un potentiel de production dâĂ©nergie renouvelable qui lui est particulier. Dans ces conditions et en fonction du principe de subsidiaritĂ©, Ă chaque rĂ©gion devrait revenir la responsabilitĂ© dâexploiter au mieux son potentiel dans une logique du dĂ©veloppement durable. | |
â | + | Il sâagit donc dâintĂ©grer les nouvelles Ă©nergies dans un plan dâamĂ©nagement rĂ©gional qui par ailleurs doit veiller Ă la protection des ressources du milieu naturel. Cette rĂ©gionalisation de la politique Ă©lectrique est facilitĂ©e par le rĂ©seau de transport qui permet Ă tout instant dâadapter la production Ă la consommation par des Ă©changes entre les rĂ©gions et entre les Etats europĂ©ens : la mise en rĂ©seau libĂšre chaque rĂ©gion dâun impĂ©ratif dâautonomie Ă©lectrique. | |
â | + | Lâobjectif prioritaire pour la Bretagne est vraiment dâarrĂȘter la progression de la consommation Ă©lectrique et notamment de rĂ©duire les pics journaliers par une isolation poussĂ©e du bĂąti, un meilleur rendement Ă©nergĂ©tique des appareils mĂ©nagers, la multiplication des chauffe-eau solaires, la rĂ©duction du chauffage Ă©lectrique, les chaudiĂšres Ă condensation, etc. Ces mesures sont porteuses dâĂ©conomies substantielles tout en crĂ©ant de nombreux emplois rĂ©partis sur tout le territoire. | |
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+ | Certes le « Pacte Ă©lectrique breton » de 2010 permettra de progresser dans cette voie mais il comprend la construction dâune centrale au gaz Ă Landivisiau (Ă lâest de Brest) qui a Ă©tĂ© accordĂ©e le 29 fĂ©vrier 2012 par lâEtat Ă Direct Energie et Siemens avec lâengagement de verser au consortium 40 millions dâeuros par an pendant 20 ans. Dans une stratĂ©gie de dĂ©veloppement durable, il vaudrait bien mieux affecter cette dĂ©pense comme subvention pour remplacer le chauffage Ă©lectrique par une autre source dâĂ©nergie dont le gaz. Dâautant que la mise en service en 2011 dâune nouvelle centrale au gaz dâune puissance de 435 MW, construite par GDF et Suez prĂšs du terminal mĂ©thanier de Montoir de Bretagne, permet de mieux faire face Ă lâaugmentation rĂ©guliĂšre de la consommation, en attendant le renversement de cette tendance. | ||
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= Sources = | = Sources = | ||
Ligne 275 : | Ligne 245 : | ||
#Corinne Lepage, la vérité sur le nucléaire, Albin Michel 2011. Presse régionale. | #Corinne Lepage, la vérité sur le nucléaire, Albin Michel 2011. Presse régionale. | ||
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= Note complémentaire = | = Note complémentaire = | ||
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== Vers une remise en cause radicale de la filiÚre nucléaire française ? == | == Vers une remise en cause radicale de la filiÚre nucléaire française ? == | ||
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Les dĂ©sastres de Tchernobyl et de Fukushima nâont pas en France Ă©branlĂ© la filiĂšre nuclĂ©aire qui serait dâune sĂ»retĂ© Ă toute Ă©preuve selon ses promoteurs. Mais la loi dâairain dâune Ă©conomie en crise la condamne Ă terme. Des Ă©lĂ©ments nouveaux permettent de lâaffirmer, notamment le rapport de la Cour des Comptes (janvier 2012) sur le coĂ»t de la filiĂšre nuclĂ©aire.</font> | Les dĂ©sastres de Tchernobyl et de Fukushima nâont pas en France Ă©branlĂ© la filiĂšre nuclĂ©aire qui serait dâune sĂ»retĂ© Ă toute Ă©preuve selon ses promoteurs. Mais la loi dâairain dâune Ă©conomie en crise la condamne Ă terme. Des Ă©lĂ©ments nouveaux permettent de lâaffirmer, notamment le rapport de la Cour des Comptes (janvier 2012) sur le coĂ»t de la filiĂšre nuclĂ©aire.</font> | ||
â | + | Certes les coĂ»ts rĂ©els de lâĂ©nergie nuclĂ©aire sont difficiles Ă chiffrer. Les tarifs dâEDF sont bloquĂ©s Ă un niveau trop bas (environ 0,30 ⏠le KWh) pour dĂ©gager les investissements nĂ©cessaires Ă la gestion du parc Ă long terme. Ce fait est reconnu par EDF dans une rĂ©cente Ă©tude estimant le KWh Ă 0,46 ⏠en prenant en compte le dĂ©mantĂšlement des centrales. Autre donnĂ©e significative : le coĂ»t du KWh produit par lâEPR de Flamanville serait supĂ©rieur Ă 0,60 âŹ.De son cĂŽtĂ© le rapport de la Cour des Comptes chiffre le dĂ©mantĂšlement des 58 rĂ©acteurs Ă 18,4 milliards ⏠et la gestion des dĂ©chets Ă 28,4 milliards, en soulignant que ces montants devraient probablement progresser. Compte tenu de ces coĂ»ts, le KWh atteindrait 0,495 âŹ. La Cour constate que la France nâa pas les moyens de renouveler son parc nuclĂ©aire, ce qui nĂ©cessiterait la construction de 11 EPR dâici 2022, tout en dĂ©mantelant les actuelles centrales et en stockant les dĂ©chets radioactifs. DâoĂč sa conclusion : | |
''« Cela signifie quâĂ travers lâabsence de dĂ©cision dâinvestissement, une dĂ©cision implicite a Ă©tĂ© prise qui engage la France soit Ă faire durer ses centrales au delĂ de 40 ans, soit Ă faire Ă©voluer significativement et rapidement le mix Ă©nergĂ©tique vers dâautres sources dâĂ©nergie, ce qui suppose des investissements complĂ©mentaires. »'' | ''« Cela signifie quâĂ travers lâabsence de dĂ©cision dâinvestissement, une dĂ©cision implicite a Ă©tĂ© prise qui engage la France soit Ă faire durer ses centrales au delĂ de 40 ans, soit Ă faire Ă©voluer significativement et rapidement le mix Ă©nergĂ©tique vers dâautres sources dâĂ©nergie, ce qui suppose des investissements complĂ©mentaires. »'' | ||
â | + | La premiĂšre option ne ferait que diffĂ©rer la solution du problĂšme et cela au prix dâinvestissements requis par les nouvelles normes de sĂ©curitĂ©, sans parler des risques de fonctionnement liĂ©s Ă lâusure des rĂ©acteurs. Ce serait une dĂ©marche totalement Ă lâencontre dâun dĂ©veloppement durable et qui de plus aboutirait Ă terme Ă des importations massives dâĂ©lectricitĂ©.Il est Ă©vident que devant lâimpossibilitĂ© financiĂšre de renouveler le parc nuclĂ©aire, la seconde option Ă©voquĂ©e par la Cour des Comptes est la voie praticable. Les seules marges de dĂ©cision portent dâune part sur le rythme de lâarrĂȘt des centrales existantes et de la conversion du personnel, et dâautre part sur le rythme de croissance des filiĂšres comme lâĂ©olien et le photovoltaĂŻque, tout en promouvant les Ă©conomies dâĂ©lectricitĂ©.Le rapport de la cour des Comptes confirme la nĂ©cessitĂ© pour EDF dâaugmenter ses tarifs, ce qui Ă©tablira une plus juste comparaison entre le coĂ»t du KWh nuclĂ©aire et celui des Ă©nergies renouvelables. Celles-ci, de plus en plus compĂ©titives car la tendance gĂ©nĂ©rale de leurs coĂ»ts est Ă la baisse, semblent pouvoir sâintĂ©grer dans la production Ă©nergĂ©tique sans hausse supplĂ©mentaire du KWh.En 2013, il revient au nouveau gouvernement de dĂ©finir une stratĂ©gie Ă©nergĂ©tique Ă long terme fixant le devenir des centrales nuclĂ©aires et donnant aux filiĂšres des Ă©nergies renouvelables des rĂšgles stables et une garantie sur le prix dâachat de lâĂ©lectricitĂ©: lâinvestissement en dĂ©pend. Lâobstacle principal est le statut trĂšs spĂ©cial de la filiĂšre nuclĂ©aire qui dĂ©coule de sa liaison premiĂšre avec lâarme atomique. Créée Ă coup de dĂ©crets gouvernementaux sans lâavis ni lâaval du Parlement, elle constitue un Ă©tat dans lâEtat et dispose dâun trĂšs puissant groupe de pression. | |
La donne sera-t-elle changĂ©e en 2013 ? Soit le nouveau pouvoir politique agit dans le domaine Ă©nergĂ©tique par dĂ©crets comme ses prĂ©dĂ©cesseurs, soit il soumet au Parlement son plan dâaction en prenant le parti de soumettre enfin la filiĂšre nuclĂ©aire au Droit rĂ©publicain. Lâexemple de lâAllemagne est Ă©difiant : si elle a pu sâengager si rapidement dans la relĂšve du nuclĂ©aire par les Ă©nergies renouvelables et les Ă©conomies dâĂ©nergie, câest parce quâil nâexiste pas dans ce pays lâĂ©quivalent de la filiĂšre nuclĂ©aire française avec sa capacitĂ© de freinage dâune Ă©volution pourtant inĂ©vitable. | La donne sera-t-elle changĂ©e en 2013 ? Soit le nouveau pouvoir politique agit dans le domaine Ă©nergĂ©tique par dĂ©crets comme ses prĂ©dĂ©cesseurs, soit il soumet au Parlement son plan dâaction en prenant le parti de soumettre enfin la filiĂšre nuclĂ©aire au Droit rĂ©publicain. Lâexemple de lâAllemagne est Ă©difiant : si elle a pu sâengager si rapidement dans la relĂšve du nuclĂ©aire par les Ă©nergies renouvelables et les Ă©conomies dâĂ©nergie, câest parce quâil nâexiste pas dans ce pays lâĂ©quivalent de la filiĂšre nuclĂ©aire française avec sa capacitĂ© de freinage dâune Ă©volution pourtant inĂ©vitable. | ||
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Version du 16 novembre 2013 Ă 11:18
L'énergie en Bretagne : du refus du nucléaire au déblocage de l'éolien
Dans les pays dĂ©veloppĂ©s les combustibles fossiles (pĂ©trole, charbon, gaz naturel), souvent importĂ©s en masse, demeurent les principales sources dâĂ©nergie. La Bretagne ne fait pas exception comme lâindique lâimportance des importations dâhydrocarbures dans les ports de la pĂ©ninsule. Une dĂ©pendance aussi prononcĂ©e ne suscite guĂšre de controverses tant la population la vit comme une fatalitĂ©. Chaque montĂ©e des prix des carburants engendre des protestations (pĂȘcheurs, routiers) et incite Ă lâisolation des logements ou lâutilisation du bois de chauffage. Cependant de profonds changements se profilent Ă lâhorizon et dĂ©jĂ le bilan Ă©nergĂ©tique rĂ©gional commence Ă se modifier.
Le recours aux centrales nuclĂ©aires : une retombĂ©e dâune politique nationale
Câest dans le domaine de la production Ă©lectrique que la position de la Bretagne est singuliĂšre car elle combine une forte allergie aux centrales nuclĂ©aires et une grande lenteur Ă sâengager sur les Ă©nergies renouvelables, ce qui entraĂźne une dĂ©pendance des centrales nuclĂ©aires des rĂ©gions voisines. La rĂ©gion Bretagne ne produit que 8% de sa consommation Ă©lectrique, mais 38% dans le cadre de la Bretagne entiĂšre grĂące Ă la centrale thermique de Cordemais. Lâessentiel du courant est fourni par les centrales nuclĂ©aires de Flamanville et Chinon et pour faire face aux pics quotidiens (trĂšs Ă©levĂ©s par temps froid ) la centrale de Cordemais est poussĂ©e Ă fond.
La responsabilitĂ© de lâEtat est engagĂ©e dans le maintien de la dĂ©pendance Ă©nergĂ©tique rĂ©gionale. Certes il est contraint par les marchĂ©s mondiaux des combustibles fossiles et depuis la ConfĂ©rence de Kyoto (1997) par les accords internationaux sur la rĂ©duction des Ă©missions de gaz Ă effet de serre. Mais il maĂźtrise le prix de vente de lâĂ©lectricitĂ© car il contrĂŽle lâentreprise publique EDF qui, avec ses centrales et ses barrages, a jusquâĂ rĂ©cemment disposĂ© dâun quasi monopole de la production et dâun monopole du transport et du courant.
Câest une dĂ©cision Ă©tatique (Plan Messmer 1974) qui a lancĂ© un programme de construction de centrales nuclĂ©aires. Son surdimensionnement a conduit EDF Ă Ă©largir la demande par exemple en favorisant lâusage de lâĂ©lectricitĂ© pour chauffer les logements neufs, ce qui aggrave les pics de consommation, et en bloquant la concurrence des Ă©nergies renouvelables par un prix dâachat trop bas de lâĂ©lectricitĂ© produite.
Energie éolienne : démarrage difficile avant un réel essor
Le blocage de la filiĂšre Ă©olienne en France Puissance installĂ©e en MW dans des pays de lâUnion EuropĂ©enne | ||||||
Pays |
Fin 2000 |
Fin 2001 |
Pays |
Fin 2000 |
Fin 2001 |
|
Allemagne |
6113 |
8754 |
Pays-Bas |
446 |
493 |
|
Espagne |
2481 |
3337 |
Royaume-Uni |
406 |
474 | |
Danemark |
2300 |
2417 |
Irlande |
118 |
125 | |
Italie |
427 |
697 |
France |
66 |
78 |
Avel Penn ar Bed / EWEA
Le tableau met en Ă©vidence les grandes disparitĂ©s entre pays europĂ©ens dans les investissements Ă©oliens et aussi dans les rythmes de croissance. En 2001 la puissance installĂ©e en Allemagne est plus de 100 fois supĂ©rieure Ă celle de la France qui pourtant dispose du gisement dâĂ©nergie Ă©olienne le plus considĂ©rable en Europe aprĂšs le Royaume Uni. Comme la Bretagne est la seconde rĂ©gion française pour le potentiel Ă©olien, le blocage de la filiĂšre lâa donc particuliĂšrement affectĂ©e et privĂ©e des nombreux emplois liĂ©s Ă la fabrication des Ă©oliennes, Ă leur maintenance et Ă leur exportation.
Dans le cadre du plan « Eole 2005 » lancĂ© en 1997 par le ministĂšre de lâIndustrie, deux parcs Ă©oliens sont créés en 1999, lâun Ă Plouarzel, lâautre Ă Goulien, les deux dans le FinistĂšre qui a conservĂ© son avance depuis. Logique : une association dynamique « Avel Penn ar Bed » y a sensibilisĂ© les Ă©lus. En 2005 la puissance installĂ©e nâatteint encore que 140 MW en rĂ©gion Bretagne. En Loire-Atlantique le parc Ă©olien de Soudan-Erbray ne dĂ©marre quâen 2006.
La « Loi dâorientation sur lâEnergie » de juin 2005 prĂ©voit la relance du nuclĂ©aire (une centrale EPR Ă Flamanville) mais aussi le dĂ©veloppement des Ă©nergies renouvelables. La rĂ©gion Bretagne lance alors un plan visant une puissance Ă©olienne de 1000 MW en 2010, soit lâĂ©quivalent dâune tranche de centrale nuclĂ©aire.
En 2010 la rĂ©gion « Bretagne » sâassocie avec lâEtat et RTE (RĂ©seau de transport Ă©lectrique) dans un « Pacte Ă©lectrique breton » pour porter Ă 3600 MW en 2020 la puissance des gĂ©nĂ©rateurs dâĂ©lectricitĂ© de sources renouvelables. Cela suppose un dĂ©veloppement considĂ©rable de lâĂ©olien terrestre, du photovoltaĂŻque et des hydroliennes (actuellement au stade expĂ©rimental) pour atteindre une puissance de 2350 MW qui sâajouterait aux 1250 MW des Ă©oliennes maritimes.
Un pareil essor de lâĂ©olien terrestre pose problĂšme dans un territoire oĂč lâhabitat relativement dense et dispersĂ© Ă lâĂ©chelle communale ne favorise pas lâimplantation dâĂ©oliennes de plus en plus grandes. Dans le cas oĂč elles rĂ©sultent dâune initiative collective locale pour leur construction et financement, avec lâacceptation par la population de lâimpact sur le paysage des « Ă©oliennes citoyennes » câest une dĂ©marche de dĂ©veloppement local et de plus rĂ©versible en cas de besoin puisquâune Ă©olienne se dĂ©monte facilement. Mais sâil sâagit dâinvestissement par des groupes financiers (Louis-Dreyfus dans la forĂȘt de LanouĂ©e dans le Morbihan), câest une exploitation du territoire qui fait fi dâune politique de prĂ©servation du patrimoine paysager.
Le renfort en fanfare de lâĂ©olien maritime
Sur le plan mondial la croissance de lâĂ©nergie Ă©olienne est trĂšs forte : en 2009 la puissance installĂ©e atteint 120,7 GW (1 GW = 1000 MW) en progression de 31% sur 2008. Dans lâUnion EuropĂ©enne elle sâĂ©lĂšve de 15% par an pour la pĂ©riode 1995- 2011 et le nombre dâemplois créés, estimĂ© en 2009 Ă 150 000, devrait doubler dâici 2020. Or en 2011 la puissance installĂ©e en France Ă©tait de 6,8 GW et de 29 en Allemagne. Il est Ă©vident que, dans un contexte de crise, une telle quasi absence dans un crĂ©neau porteur nâĂ©tait plus tenable, dâautant moins que le Grenelle de lâEnvironnement (2007) projetait une puissance en mer (Ă©oliennes et hydroliennes) de 6 GW pour 2020.
En 2010 lâEtat dĂ©cide dâimplanter des parcs Ă©oliens off-shore Ă©quipĂ©s dâĂ©oliennes de 5 MW alors que leur puissance Ă terre ne dĂ©passait pas 2 MW. Les projets doivent ĂȘtre menĂ©s Ă terme de 2015 Ă 2020. La Bretagne serait dotĂ©e de 1250 MW de puissance installĂ©e rĂ©partie sur deux parcs :
Baie de Saint-Brieuc : 100 éoliennes, puissance totale 500 MW, surface 180 km2
Ouest de Guérande : 150 éoliennes, puissance totale 750 MW, surface 78 km2
Le groupe EMF (actionnaires principaux : EDF et le Danois Dong Energy Power) y installera les Ă©oliennes dâAlstom de 6 MW (record mondial) et en Normandie il Ă©quipera les sites de Courseulles-sur-mer et de FĂ©camp. La sociĂ©tĂ© Ailes Marines qui rĂ©unit Iberdrola (Espagne) et Eole-RES (GB) implantera sur le site de Saint-Brieuc les Ă©oliennes dâAREVA (en partenariat avec Technip et STX, le chantier naval de Saint-Nazaire).
Quelles retombées en Bretagne ?
A Saint-Nazaire Alstom construirait les gĂ©nĂ©rateurs et les nacelles et STX les fondations et les bateaux de pose. NĂ©opolia (groupement dâentreprises de la Basse-Loire) espĂšre construire les navires de maintenance mais les pales et le mĂąt seraient fabriquĂ©s Ă Cherbourg. Brest nâobtiendrait que le montage terminal. Pour le parc de GuĂ©rande, La Turballe serait le port de maintenance.
Du cĂŽtĂ© de Saint-Brieuc, seulement un port de maintenance sur la baie. La Bretagne occidentale serait-elle donc dĂ©laissĂ©e au profit de Saint-Nazaire et des ports normands, avec rien pour Lorient et bien peu pour Brest ? Le second appel dâoffre de janvier 2013 concerne les sites du TrĂ©port et de Noirmoutier et Ă nouveau ignore lâouest de la Bretagne oĂč la nĂ©cessitĂ© dâactivitĂ©s maritimes est si Ă©vident. La crĂ©ation de parcs Ă©oliens de cette taille est pourtant une opportunitĂ© rare de soutenir lâĂ©conomie littorale lĂ oĂč le besoin se fait sentir, Ă Saint-Nazaire bien entendu, mais Ă Brest aussi.
La filiĂšre photovoltaĂŻque victime dâun fauchage dĂ©vastateur
Au plan mondial la production dâĂ©lectricitĂ© photovoltaĂŻque, qui dĂ©marre au tout dĂ©but du 21e S, connaĂźt un essor fulgurant puisque dĂšs 2009 la puissance installĂ©e atteint 120,7 GW (+ 31% sur 2008 !) dont 35 aux USA, 25 en Allemagne et en Chine, 19 en Espagne. La Chine rĂ©alise 50% de la production mondiale des capteurs en utilisant des machines allemandes.
En 2009 on estimait quâen Europe la filiĂšre avait créé 150 000 emplois directs. Fin 2011 lâAllemagne disposait de 29 GW de puissance installĂ©e, lâEspagne de 21,6 et la France de 6,8: comme pour lâĂ©olien, un dĂ©calage Ă©norme sâest créé entre lâAllemagne et la France qui se trouve Ă la traĂźne dans un nouveau crĂ©neau porteur, notamment pour lâemploi, alors quâelle dispose dâun ensoleillement supĂ©rieur.
Le Grenelle de lâEnvironnement visait une puissance installĂ©e de 1,1 GW en 2012 et de 5,4 en 2020. Mais le nouveau tarif dâachat par EDF fixĂ© en 2006 Ă 0,55 ⏠le KWh solaire intĂ©grĂ© au bĂąti sâest rĂ©vĂ©lĂ© tellement attractif que les projets dĂ©posĂ©s en 2010 auraient dĂ©passĂ© les possibilitĂ©s de les subventionner. Du coup le gouvernement a bloquĂ© brutalement lâexpansion du marchĂ© par un moratoire de 3 mois, un plafonnement du total des projets Ă 500 MW par an et une rĂ©duction du prix dâachat Ă 0,44 ⏠(-20%).
La Bretagne a Ă©tĂ© particuliĂšrement touchĂ©e par ce coup dâarrĂȘt dans la mesure oĂč elle sâĂ©tait fortement engagĂ©e dans le crĂ©neau du solaire (24% des 25 000 emplois directs en France). Elle comptait 507 entreprises qualifiĂ©es dont la moitiĂ© a disparu et des 6 000 emplois directs, il nâen restait plus que 1500 en 2011, soit une suppression dramatique de 3 emplois sur 4 comme rĂ©sultat du pilotage incohĂ©rent dâune filiĂšre prometteuse.
Le changement de majoritĂ© politique en 2012 laisse espĂ©rer une relance, dâautant que dâautres produits apparaissent. La sociĂ©tĂ© nantaise Systovi a mis au point un panneau « aĂ©rovoltaĂŻque » qui, en plus de produire de lâĂ©lectricitĂ©, rĂ©cupĂšre la chaleur (60% de lâĂ©nergie solaire) pour chauffer lâhabitation et lui fournir lâeau chaude. Equiper ainsi les toits des maisons Ă chauffage Ă©lectrique permettrait de rĂ©duire leur consommation dâĂ©lectricitĂ©. En tout cas câest une solution alternative de plus.
La filiĂšre sous-marine dans lâattente du feu vert
Comme pour lâĂ©olien maritime, lâexploitation des courants de marĂ©e nĂ©cessite des investissements lourds, Ă la portĂ©e de grands groupes industriels, ainsi que lâautorisation de lâEtat pour installer des hydroliennes sur le domaine maritime. A la diffĂ©rence du vent, les courants de marĂ©e Ă la fois rapides et assez larges se localisent sur quelques sites littoraux. En Manche le meilleur est le Raz Blanchard au cap de La Hague et en mer dâIroise le Fromveur entre Ouessant et la cĂŽte et aussi le Raz de Sein.
La propagation de lâonde de marĂ©e provoque des courants, certes discontinus mais prĂ©visibles longtemps en avance tant pour la puissance que pour lâhoraire et la durĂ©e puisque ces donnĂ©es sont calĂ©es sur lâannuaire des marĂ©es. LâĂ©lectricitĂ© des hydroliennes sera donc programmable, ce qui facilitera son intĂ©gration dans le complexe de production Ă©nergĂ©tique.
Jusquâen 2012 les groupes industriels (STX, DCNS, etc) du Groupement des industries et activitĂ©s navales (GICAN) en Ă©taient Ă la phase des essais de prototypes. DĂ©but 2013 ils ont demandĂ© au gouvernement de lancer un appel dâoffres pour poser des hydroliennes sur les fonds du Raz Blanchard avec lâobjectif dâinstaller une puissance de 6000 MW en 2020. Ceci impliquerait la crĂ©ation de nombreux emplois Ă terre Ă Cherbourg.
La sociĂ©tĂ© quimpĂ©roise Sabella, qui a conçu une hydrolienne moins coĂ»teuse et dâentretien plus facile, va poser un prototype dans le Fromveur aprĂšs avoir levĂ© des capitaux (dont Suez). Elle ambitionne Ă terme dây installer un parc dâhydroliennes, ce qui signifierait des retombĂ©es industrielles sur Brest. Si le projet rĂ©ussit, cela dĂ©montrerait que les forces Ă©conomiques locales sont capables dâexploiter cette nouvelle source dâĂ©nergie et donc que le recours aux grands groupes industriels nâest pas la seule solution.
Centrales nucléaires en Bretagne : la fin du feuilleton mais pas la fin du risque
Lâannulation en 1981 des projets de centrales de Plogoff (Pointe du Raz) et du Pellerin (estuaire de la Loire) par le prĂ©sident F. Mitterrand fut facilement acceptĂ© par EDF qui nâen avait pas rĂ©ellement besoin. Mais les conseils rĂ©gionaux de Bretagne et des Pays de la Loire ne renoncent pas. Le premier nâarriva jamais Ă dĂ©nicher sur le littoral un site favorable et acceptĂ© par la population. Le second choisit Le Carnet, une vasiĂšre remblayĂ©e sur la rive sud de lâestuaire de la Loire qui devint le théùtre de la troisiĂšme grande bataille anti-nuclĂ©aire. La catastrophe de Tchernobyl en 1986 ne suffit pas Ă dissuader la majoritĂ© pro-nuclĂ©aire du conseil rĂ©gional des Pays de la Loire, pas plus que J. Chirac, premier ministre, qui signe en 1988 la dĂ©claration dâutilitĂ© publique. Enfin L. Jospin, premier ministre, annule dĂ©finitivement le projet en 1997. En 2011 se dessine une nouvelle vocation pour Le Carnet qui accueille un centre dâexpĂ©rimentation des prototypes dâĂ©oliennes maritimes : une conversion trĂšs symbolique dâune Ăšre nouvelle dans la production Ă©lectrique rĂ©gionale.
MalgrĂ© tout la Bretagne reste exposĂ©e au risque dâun accident grave sur une centrale nuclĂ©aire relativement proche. Les retombĂ©es radio-actives dĂ©pendent des conditions atmosphĂ©riques, ce qui rend problĂ©matique la dĂ©limitation des zones dâexposition. Cependant plus on sâĂ©loigne du point dâĂ©mission, plus les chances de dilution du nuage augmentent.
Carte Environnement nucléaire de la Bretagne
La carte ne tient compte que des 18 centrales fonctionnant dans un rayon de 500 km et formant un chapelet sur la Loire, un autre sur les rivages de la Manche, plus des centrales britanniques peu Ă©loignĂ©es de la pĂ©ninsule armoricaine. Mais le risque majeur se situe au niveau de deux Ă©tablissements proches de la Bretagne et qui manipulent des produits trĂšs dangereux : lâusine de retraitement des combustibles et le centre de stockage des dĂ©chets nuclĂ©aires de La Hague. Par chance les vents dominants soufflent de lâAtlantique. La position gĂ©ographique de la Bretagne lui Ă©vite un encerclement complet par des centrales nuclĂ©aires et par consĂ©quent diminue le risque de pollution radioactive. Toutefois en rade de Brest un accident grave ne peut pas ĂȘtre totalement exclu dans la base des sous-marins nuclĂ©aires.Quant Ă la centrale de Brennillis, le dĂ©mantĂšlement qui devait sâachever en 2020-2025 est bloquĂ© faute de site susceptible de recevoir les dĂ©chets hautement radioactifs.
Economiser lâĂ©lectricitĂ©, en diversifier les sources⊠et dĂ©centraliser
La recherche dâune autonomie Ă©lectrique se pose au niveau national car elle garantit la production dâune Ă©nergie indispensable Ă la vie dâune sociĂ©tĂ© moderne. En revanche elle perd de sa pertinence Ă lâĂ©chelle des rĂ©gions car chacune a des besoins diffĂ©rents et un potentiel de production dâĂ©nergie renouvelable qui lui est particulier. Dans ces conditions et en fonction du principe de subsidiaritĂ©, Ă chaque rĂ©gion devrait revenir la responsabilitĂ© dâexploiter au mieux son potentiel dans une logique du dĂ©veloppement durable.
Il sâagit donc dâintĂ©grer les nouvelles Ă©nergies dans un plan dâamĂ©nagement rĂ©gional qui par ailleurs doit veiller Ă la protection des ressources du milieu naturel. Cette rĂ©gionalisation de la politique Ă©lectrique est facilitĂ©e par le rĂ©seau de transport qui permet Ă tout instant dâadapter la production Ă la consommation par des Ă©changes entre les rĂ©gions et entre les Etats europĂ©ens : la mise en rĂ©seau libĂšre chaque rĂ©gion dâun impĂ©ratif dâautonomie Ă©lectrique.
Lâobjectif prioritaire pour la Bretagne est vraiment dâarrĂȘter la progression de la consommation Ă©lectrique et notamment de rĂ©duire les pics journaliers par une isolation poussĂ©e du bĂąti, un meilleur rendement Ă©nergĂ©tique des appareils mĂ©nagers, la multiplication des chauffe-eau solaires, la rĂ©duction du chauffage Ă©lectrique, les chaudiĂšres Ă condensation, etc. Ces mesures sont porteuses dâĂ©conomies substantielles tout en crĂ©ant de nombreux emplois rĂ©partis sur tout le territoire.
Certes le « Pacte Ă©lectrique breton » de 2010 permettra de progresser dans cette voie mais il comprend la construction dâune centrale au gaz Ă Landivisiau (Ă lâest de Brest) qui a Ă©tĂ© accordĂ©e le 29 fĂ©vrier 2012 par lâEtat Ă Direct Energie et Siemens avec lâengagement de verser au consortium 40 millions dâeuros par an pendant 20 ans. Dans une stratĂ©gie de dĂ©veloppement durable, il vaudrait bien mieux affecter cette dĂ©pense comme subvention pour remplacer le chauffage Ă©lectrique par une autre source dâĂ©nergie dont le gaz. Dâautant que la mise en service en 2011 dâune nouvelle centrale au gaz dâune puissance de 435 MW, construite par GDF et Suez prĂšs du terminal mĂ©thanier de Montoir de Bretagne, permet de mieux faire face Ă lâaugmentation rĂ©guliĂšre de la consommation, en attendant le renversement de cette tendance.
Sources
- EWEA Statistiques européennes (European Wind Energy Association).
- EPIA (European Photovoltaic Industry Association).
- Eurostat.
- Rapport dâinformation sur lâĂ©nergie Ă©olienne (N°2398) prĂ©sentĂ© par F. Reynier (AssemblĂ©e Nationale 2010).
- Rapport dâinformation sur la filiĂšre photovoltaĂŻque (N°442) prĂ©sentĂ© par L. Poniatowski (SĂ©nat 2011).
- Rapport de la Cour des Comptes sur le coût de la filiÚre nucléaire, janvier 2012.
- ADEME Bretagne et ADEME Pays de Loire. ObservâER.
- Les cahiers de Global Chance 2011 (Association Global Chance et Institut du Développement Durable et des Relations Internationales).
- Association Avel Penn ar Bed. Le scénario électrique alternatif breton (Association Gaspare , site : [1] ).
- Corinne Lepage, la vérité sur le nucléaire, Albin Michel 2011. Presse régionale.
Note complémentaire
Vers une remise en cause radicale de la filiÚre nucléaire française ?
Les dĂ©sastres de Tchernobyl et de Fukushima nâont pas en France Ă©branlĂ© la filiĂšre nuclĂ©aire qui serait dâune sĂ»retĂ© Ă toute Ă©preuve selon ses promoteurs. Mais la loi dâairain dâune Ă©conomie en crise la condamne Ă terme. Des Ă©lĂ©ments nouveaux permettent de lâaffirmer, notamment le rapport de la Cour des Comptes (janvier 2012) sur le coĂ»t de la filiĂšre nuclĂ©aire.</font>
Certes les coĂ»ts rĂ©els de lâĂ©nergie nuclĂ©aire sont difficiles Ă chiffrer. Les tarifs dâEDF sont bloquĂ©s Ă un niveau trop bas (environ 0,30 ⏠le KWh) pour dĂ©gager les investissements nĂ©cessaires Ă la gestion du parc Ă long terme. Ce fait est reconnu par EDF dans une rĂ©cente Ă©tude estimant le KWh Ă 0,46 ⏠en prenant en compte le dĂ©mantĂšlement des centrales. Autre donnĂ©e significative : le coĂ»t du KWh produit par lâEPR de Flamanville serait supĂ©rieur Ă 0,60 âŹ.De son cĂŽtĂ© le rapport de la Cour des Comptes chiffre le dĂ©mantĂšlement des 58 rĂ©acteurs Ă 18,4 milliards ⏠et la gestion des dĂ©chets Ă 28,4 milliards, en soulignant que ces montants devraient probablement progresser. Compte tenu de ces coĂ»ts, le KWh atteindrait 0,495 âŹ. La Cour constate que la France nâa pas les moyens de renouveler son parc nuclĂ©aire, ce qui nĂ©cessiterait la construction de 11 EPR dâici 2022, tout en dĂ©mantelant les actuelles centrales et en stockant les dĂ©chets radioactifs. DâoĂč sa conclusion :
« Cela signifie quâĂ travers lâabsence de dĂ©cision dâinvestissement, une dĂ©cision implicite a Ă©tĂ© prise qui engage la France soit Ă faire durer ses centrales au delĂ de 40 ans, soit Ă faire Ă©voluer significativement et rapidement le mix Ă©nergĂ©tique vers dâautres sources dâĂ©nergie, ce qui suppose des investissements complĂ©mentaires. »
La premiĂšre option ne ferait que diffĂ©rer la solution du problĂšme et cela au prix dâinvestissements requis par les nouvelles normes de sĂ©curitĂ©, sans parler des risques de fonctionnement liĂ©s Ă lâusure des rĂ©acteurs. Ce serait une dĂ©marche totalement Ă lâencontre dâun dĂ©veloppement durable et qui de plus aboutirait Ă terme Ă des importations massives dâĂ©lectricitĂ©.Il est Ă©vident que devant lâimpossibilitĂ© financiĂšre de renouveler le parc nuclĂ©aire, la seconde option Ă©voquĂ©e par la Cour des Comptes est la voie praticable. Les seules marges de dĂ©cision portent dâune part sur le rythme de lâarrĂȘt des centrales existantes et de la conversion du personnel, et dâautre part sur le rythme de croissance des filiĂšres comme lâĂ©olien et le photovoltaĂŻque, tout en promouvant les Ă©conomies dâĂ©lectricitĂ©.Le rapport de la cour des Comptes confirme la nĂ©cessitĂ© pour EDF dâaugmenter ses tarifs, ce qui Ă©tablira une plus juste comparaison entre le coĂ»t du KWh nuclĂ©aire et celui des Ă©nergies renouvelables. Celles-ci, de plus en plus compĂ©titives car la tendance gĂ©nĂ©rale de leurs coĂ»ts est Ă la baisse, semblent pouvoir sâintĂ©grer dans la production Ă©nergĂ©tique sans hausse supplĂ©mentaire du KWh.En 2013, il revient au nouveau gouvernement de dĂ©finir une stratĂ©gie Ă©nergĂ©tique Ă long terme fixant le devenir des centrales nuclĂ©aires et donnant aux filiĂšres des Ă©nergies renouvelables des rĂšgles stables et une garantie sur le prix dâachat de lâĂ©lectricitĂ©: lâinvestissement en dĂ©pend. Lâobstacle principal est le statut trĂšs spĂ©cial de la filiĂšre nuclĂ©aire qui dĂ©coule de sa liaison premiĂšre avec lâarme atomique. Créée Ă coup de dĂ©crets gouvernementaux sans lâavis ni lâaval du Parlement, elle constitue un Ă©tat dans lâEtat et dispose dâun trĂšs puissant groupe de pression.
La donne sera-t-elle changĂ©e en 2013 ? Soit le nouveau pouvoir politique agit dans le domaine Ă©nergĂ©tique par dĂ©crets comme ses prĂ©dĂ©cesseurs, soit il soumet au Parlement son plan dâaction en prenant le parti de soumettre enfin la filiĂšre nuclĂ©aire au Droit rĂ©publicain. Lâexemple de lâAllemagne est Ă©difiant : si elle a pu sâengager si rapidement dans la relĂšve du nuclĂ©aire par les Ă©nergies renouvelables et les Ă©conomies dâĂ©nergie, câest parce quâil nâexiste pas dans ce pays lâĂ©quivalent de la filiĂšre nuclĂ©aire française avec sa capacitĂ© de freinage dâune Ă©volution pourtant inĂ©vitable.