Fañch Peru

Fañch PERU

Fañch Peru (1940-2023) était un écrivain français de langue bretonne, né à Ploubezre (Côtes-d’Armor), dans le Trégor.
Il a été longtemps professeur à Tréguier où il s’est également occupé du Cercle Culturel Ernest Renan. Il a écrit de nombreux articles dans des revues et magazines de langue bretonne tels que : Brud, Ar Falz, Pobl Vreizh. Il a été maire (UDB) de Berhet (Côtes-d’Armor) de 1983 à 2001.

Hommages – Prat – 19/01/2023 :

* Jean-Jacques Monnier :

“Des militants de la période du grand revival breton (1950-90) nous quittent un à un…” Fañch était l’un des plus discrets mais l’un des plus présents, actifs et créatifs depuis plus de 60 ans. J’ai fait sa connaissance à mon arrivée dans le Trégor il y a un demi-siècle, comme jeune enseignant comme lui dans le même lycée (et collège) de Tréguier. Il enseignait aux jeunes le français et surtout le breton, et le soir encore le breton au cours du soir pour les adultes. Il faisait des conférences sur la culture bretonne ou sur ses voyages dans les pays celtiques. Je le retrouvais aussi chez lui avec Marie-Thérèse lors des premières réunions de la section de Tréguier de l’UDB, où lors des sorties scolaires où le car emmenait nos classes voir tel spectacle d’Alan Stivell ou Le printemps des Bonnets rouges, la pièce de Paol Keineg. À vrai dire, je l’avais déjà croisé au stage d’été d’Ar Falz qu’il fréquentait depuis longtemps avec son épouse Marie-Thérèse, qui partageait la plupart de ses activités et de ses engagements depuis l’âge de… 18 ans. Poursuivant son enseignement à Tréguier, il s’installe dans la petite commune rurale de Berhet dont il devient vite conseiller municipal (1977) puis maire (1983-2001). Adhérent fidèle de l’UDB, il la représente aux élections cantonales de 1979 où il atteint 10 % des voix (mais 45 % dans sa commune), face à un bulldozer de la politique, son ami bretonnant Pierre-Yvon Trémel, qui, lui, a l’avantage d’être maire d’une commune 5 fois plus peuplée. C’est avec lui qu’il dirige longtemps l’association des élus bretonnants, qui œuvre au développement du bilinguisme dans les communes de Bretagne. Son engagement au service de la collectivité est constant : il fait grandir sa commune de 180 habitants. Elle va même devenir un pôle culturel. C’est l’époque du Seizh Awel, le café-cabaret de Daniel et Mireille Thénadey qui offre plus de 100 spectacles et animations par an, des stages de danses irlandaises et des multiples événements, notamment liés aux sports et jeux bretons. Plus que tout autre, Fañch est enraciné et sait se fondre dans son environnements, écouter, prendre des notes. En 1984, je deviens directeur du mensuel Le peuple breton et souhaite faire vivre un supplément en langue bretonne dans chaque numéro. J’ai besoin des capacités de Fañch pour fournir du contenu et corriger les articles, les typographes n’étant pas bretonnants. Commence une décennie de collaboration permanente, l’auteur fournissant avec une ponctualité parfaite un feuilleton mensuel qui, une fois terminé, devient un livre en breton publié aux éditions associatives Skol Vreizh. Une dizaine de ses 22 ouvrages paraîtront ainsi, en deux étapes. Quelques ouvrages sont bilingues, essentiellement la poésie. Au quotidien, Fañch ne se sépare jamais du petit carnet sur lequel il note sans cesse des détails sur le monde qui l’entoure, les conversations qu’il entend. Il nous restitue dans ses livres une bonne part de cette réalité du Trégor profond, avec le petit décalage que permet le roman. C’est donc une mine d’informations sur un pays et son évolution depuis les années 1940. Une œuvre énorme, riche, adaptée à tous les publics, en particulier les jeunes. Un breton écrit idéal, conciliant à la fois les formes parlées trégorroises et le breton enseigné dans les écoles. Une synthèse réussie traduite par des livres abordables où le bretonnant de naissance se sent lui-aussi à l’aise. Et Fañch est là, dans les écoles bilingues, pour partager ses ouvrages par la lecture, ou dans les salons du livre, pour faire une dédicace à tous ceux qui la lui demandent. Il peut aussi participer à la section jeux bretons de l’Institut culturel, rédiger une plaquette, intervenir sur les jeux bretons en conférence ou par des articles. Jusqu’en 2021, Fañch et Marie-Thérèse sont aussi là pour faire revivre bénévolement le café de la gare de Kerauzern et la saboterie adjacente, lieux de l’enfance bretonnante de Fañch, en musée gratuit où, au milieu du mobilier traditionnel, le couple sert le café aux visiteurs et ajoute bientôt un musée du jouet. Unité de lieu, le Trégor intérieur, unité de vie tournée vers les réalités locales dont la culture bretonne, unité du couple autour de l’animation locale. Cette cohérence totale ne doit pas faire oublier que Fañch est un grand écrivain et un grand poète et que l’entendre lire ses textes aux sonorités choisies avec soin montre que le militant était avant tout un grand créateur culturel, des statues en bois qu’il sculptait aux poèmes bilingues dont on attend avec impatience la publication, la 23ème, aux éditions Skol Vreizh, liée au mouvement culturel Ar Falz dont il fut membre toute sa vie d’adulte.”

* Par Francis Favereau

Hommage à Fañch Peru cet après-midi à la salle municipale de Prat devant des centaines de personnes (à la demande de son fils aîné Ronan, ainsi que de ses frères Tangi & Erwan et de ses petits-fils – merci Brendan, Ewen pour vos évocations d’un tad-kozh bien aimé), paroles bilingues – a beb eil – parmi une dizaine d’émouvants témoignages très divers, du maire aux artistes et compagnons, sur un homme d’exception, den tre ha den humpl !

Fañch Peru ‘m eus graet anaoudegezh gantañ e-kreiz ar bloazioù dek ha tri-ugent en ur lenn ar pezh a skrive e-barzh Pobl Vreizh hag Ar Falz (war ar festoù-noz ha Loeiz Ropars). Ha me pell (kost’ Kareiz), “seizh lew en tu all d’an ifern” e kustumen gwelet dre vare Tregeriz (Daniel, Yann-Ber) am boa anavezet er skol-veur tro 1970.
C’est par les stages académiques de ces années 75 avec d’autres collègues que j’ai mieux connu Fanch, puis lors de stages d’Ar Falz où c’était un plaisir de le côtoyer en compagnie de Marie-Thérèse.
C’est pour ses élèves du lycée de Tréguier qu’il avait fait ronéoter un cahier, 60 pennad, devenu un must lorsque nous fumes appelés, lui comme moi, pour la formation des admis au Capes de breton en 1986, alors que tous deux l’enseignions comme d’autres depuis 82 grâce aux délégations créées au début de la présidence Mitterrand.
A-benn neuhe e oa krog Fañch da skrivañ kronikoù embannet e Pobl Vreizh hag aet d’ober meur a levriad danevelloù kaer, traoù etre c’hwerw ha dous-trenk “evel ar vuhez”, emezañ. Ha me erru er skol-veur ‘m eus bet darn eus ar re bet ’tiskiñ gantañ en Landreger (Lena’ n Abad, Alan Tudoret ha re all). Plijañ a rae d’ar studierien e vrezhoneg antelin evel “Koad an ametist” Glizarc’hant a oa pilet, distrujet-lib’ gant barr gwallamzer 1987 pe “Bugel ar c’hoad”, e damm Grand-Meaulnes en brezhoneg. Goullet ganin rakskridañ “An Traoniennoù glas”, kronikoù Lanleger, Lannuon ha Landreger hag al Leger, Silicon valley war an uhel evel Traonienn ar Sent war tosenn sant Weltas Karnoed ! Goude-se, “Enezenn an eñvor”, diwar e veaj en Iwerzhon, laket ganeomp e programm ar C’hapes.
J’ai donné un trop bref aperçu de notre complicité littéraire qui m’a amené à relire ses épreuves depuis les années 90 à très récemment.
Dans le recueil “An Aerouant Ruz” voulu par feu Loïc Le Guillouzer je nous mis en scène, moi relisant “Enezenn an eñvor”, lui me donnant la clé de l’énigme du Corail me ramenant de Rennes à Guingamp après une manif pour Sarajevo qui avait vidé la fac à R2. Lui signa la meilleure nouvelle du recueil de 2020 sur une vingtaine de textes en breton, 27 en français, comme d’un rire sardonique à l’Ankoù qui rôdait déjà, mettant un scène un jeune étudiant à la recherche de l’inscription sur pierre du cimetière de Ploubezre (SICOUR 1554) : “Tut mat ho pater leveret / O tremen Ploberz an vezret”. Alors que l’étudiant s’adresse au paotr ar poulloù, an touller, le fossoyeur, celui-ci avec l’humour grinçant du Trégorois rectifie son breton : “E Bro-Dreger ne vez douaret nemet ar patatez. An dud a vez interet…”
Dans le portait qu’avait réalisé Marie Kermarrec pour F3 il énonçait en fin lettré les noms de ses maîtres : Montaigne pour sa sagesse engagée, Maupassant avec la parole distanciée dans la bouche du peuple. Sans oublier en digne fils de l’Attique bretonne, le Trégor selon Renan, les Luzel de Plouaret, Le Braz au Port-blanc, Anjela au Vieux-Marché. Mais aussi les poètes, ses contemporains Gwernig – “Gwez kalonek ma bro” – ou Bernez Tangi, son ami Roy Eales, tout comme la poétesse Naig Rozmor de “Daouarn va zad”…
Setu ne varv ket Fañch a-bezh peogwir e chom ur gaer a oberenn, danevelloù puilh o tezrevell Bro-Dreger evel a oa hag evel ema ha barzhonegoù mistr mod haiku ar Japon, oberoù un den tre, un den humpl, desket gantañ kentel Jul Gros (selaou komzennoù an dud) hag Helias, e vestr, eveltañ un “treizher” etre dec’h hag arc’hoazh.

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